Luc Gateau : « Réduire les risques, protéger et accompagner »

Alors que l’épidémie du Coronavirus gagne du terrain tous les jours, les enjeux défendus par les membres du Mouvement Unapei sont en manque de soutien et de reconnaissance. Ils sont multiples : accompagner les personnes, soutenir les familles, sécuriser les interventions des professionnels et dénoncer les scandales en cours. Rencontre avec Luc Gateau, Président de l’Unapei.

Luc Gateau, quelles est votre principale préoccupation actuelle ? 

Le Mouvement Unapei, en ce moment, agit sans relâche pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap intellectuel, cognitif ou de polyhandicap, afin de garantir la continuité de leurs accompagnements et de leurs soins, et de prendre toutes les mesures pour empêcher l’épidémie de se propager.

Quelle est la situation pour les professionnels du médico-social en France ?

La situation est actuellement très difficile. Notre système médico-social est sous pression. Les professionnels sont pleinement mobilisés, sans reconnaissance et avec insuffisamment de matériel. Ils agissent auprès des familles et de leurs proches en situation de handicap, à domicile ou dans les établissements gérés par nos associations, dans des conditions inacceptables.

Quelles actions prioritaires engagez-vous ?

Notre priorité immédiate est que, dans cette crise, qui nous a vu nous réorganiser dans l’urgence, les personnes en situation de handicap bénéficient de soins et d’accompagnements sans discontinuité. Pour ce faire, les professionnels et les bénévoles doivent pouvoir intervenir avec le moins de risques possibles, pour les personnes et pour eux. Aujourd’hui, ils manquent de tout. Ils ont besoin de matériel de protection. Mais ils ne sont pas considérés comme prioritaires alors qu’ils s’occupent de personnes vulnérables, qui ont besoin d’eux. Ils agissent, pour leur permettre de continuer à vivre le mieux possible, en confinement, et freiner la propagation du virus. Leur non-reconnaissance est inquiétante.

Cette crise a des conséquences sociales et économiques importantes qui percutent les vies des personnes en situation de handicap et celles de leurs familles. Les personnes ont les plus grandes difficultés à avoir accès aux accompagnements et aux soins, et les majeurs protégés aux biens fondamentaux. Les familles sont isolées et s’épuisent. Sans compter les familles monoparentales qui se fragilisent davantage économiquement. Nous voyons également poindre des dérives barbares, insidieuses et insupportables, qui laissent à penser que les personnes en situation de handicap ne méritent pas d’être soignées ou sauvées.

Alors, que faut-il faire ?

Nous avons alerté dès la semaine dernière les pouvoirs publics et les médias. La société ne peut abandonner ainsi les personnes en situation de handicap et leurs familles. C’est absolument scandaleux. Nous manquons cruellement de masques, de lunettes, de sur blouses, de gants, de gel hydroalcoolique, sans parler des tests et des autres équipements importants comme les concentrateurs d’oxygène.

Nous avons décidé de ne pas uniquement compter sur les dotations de l’État, qui tardent et sont insuffisantes et trouver des solutions, en sollicitant des centres d’approvisionnement, y compris à l’étranger. Nous savons que ce problème de manque de matériel ne s’arrêtera pas demain. Nous avons d’ailleurs lancé, la semaine dernière, un appel aux dons pour pouvoir financer des actions très concrètes sur les territoires et acheter du matériel.

L’initiative solidaire. Des masques en tissu faits maison

Depuis le début de la pandémie du coronavirus, les initiatives solidaires se multiplient à l’Adapei-Nouelles Côtes d’Armor. Face à la pénurie, des salariés, des parents, des proches et amis se mobilisent pour confectionner des masques de protection, en particulier à Loudéac où un appel lancé sur les réseaux sociaux via Facebook a suscité un formidable élan de solidarité. « Notre association est connue et reconnue, assure Gérard Salomé, le président de la section locale. Le réseau de parents est dense et de nombreuses personnes ont spontanément répondu à cet appel. »

C’est le cas de Colette Brille, membre d’un atelier couture au club de l’amitié à Saint-Aignan et sollicitée par la direction du pôle adultes de Loudéac pour fournir des masques aux personnes accompagnées vivant dans les foyers. « La couture est une passion. Comme on est tous confinés à la maison, autant se rendre utile. »

Une mesure barrière supplémentaire

En suivant le tutoriel en ligne de l’AFNOR (association française de normalisation), organisme associatif rattaché au ministère de l’Industrie, la couturière a mis en pratique son savoir-faire, utilisé des draps et des tee-shirts dont elle a exploité le jersey, tissu en maille extensible, souple et non irritant au contact de la peau. « C’est beaucoup mieux que les élastiques, indique Colette Brille qui a fabriqué 60 masques de couleur dans le même week-end. Il faut compter deux bandes de 40 centimètres par masque, ce qui représente beaucoup de mètres au total (40 mètres pour 50 masques !) »

Ancien médecin anesthésiste au Centre hospitalier de Pontivy, Pierre, le mari de Colette, prévient que ce ne sont pas des masques aussi efficaces que ceux utilisés en médecine. « Ce sont des masques préventifs destinés aux personnes que nous accompagnons dans les établissements de l’Adapei-Nouelles Côtes d’Armor. En cette période de pandémie, ils sont une mesure barrière supplémentaire. »

Téléchargez le modèle de masque barrière sur www.afnor.org

A Saint-Brieuc, la collecte de vêtements provisoirement suspendue

Artex, l’atelier de revalorisation du textile est fermé jusqu’au 4 mai 2020 par mesure de protection des salariés en insertion qui sont tous en chômage partiel. Aucune collecte de textiles, ni de ramassage et vidage des conteneurs n’est actuellement assurée.

Il est donc recommandé aux habitants de l’agglomération de Saint-Brieuc et du territoire de Launay Lantic de conserver leurs vêtements et de ne pas les déposer dans les conteneurs près de leur domicile. « Nous demandons aux particuliers, quelle que soit leur situation de confinement, de respecter cette fermeture car les dépôts de sacs de textile restent sur le trottoir et encombrent la place publique, insiste Jacqueline Evo, la directrice-adjointe d’Artex à esatco Saint-Brieuc. Ces textiles ne pourront pas être réutiliser, cela est dommage pour le réemploi des vêtements et leur recyclage. »

Témoignage. « La crise que nous traversons me permet de vivre une belle expérience »

Salariée remplaçante aux ateliers techniques de la section d’initiation et de première formation professionnelle à l’IME de Saint-Brieuc, Stéphanie Julien a accepté de renforcer le service restauration à l’ESAT. Elle raconte.

« Lorsqu’on m’a proposé de venir en renfort dans les cuisines du restaurant Le Grand Large à esatco Saint-Brieuc, j’ai tout fait pour me rendre disponible. Dans cette période difficile, j’estime que chacun doit faire un effort malgré l’organisation de nos vies personnelles et familiales.

Chaque matin dès 7 heures, je suis à pied d’œuvre à l’ESAT. J’enfile la tenue obligatoire : blouse, gants, charlotte sans oublier le masque de protection ! Pour les métiers de bouche, nous devons respecter des normes d’hygiène pour éviter toute contamination des denrées alimentaires. Je fais partie de l’équipe 2 dans laquelle un moniteur d’atelier sous-traitance et deux moniteurs espaces verts sont venus, comme moi, en renfort. Je travaille principalement en liaison froide à la préparation des plats, de l’entrée aux desserts, destinés au personnel travaillant dans les foyers et aux personnes accompagnées, à des personnes âgées, aux clients d’une entreprise de portage à domicile et à des résidents d’unités hospitalières psychiatriques. Dans une pièce à 4 degrés, je suis chargée de la mise en barquette, du filmage et de l’étiquetage des plats avant qu’ils ne soient transportés et livrés dans les établissements. Il faut être vigilant et précis sur les quantités.

D’ordinaire, j’accompagne des adolescents dans leurs apprentissages à l’IME. J’ai également travaillé deux étés de rang dans l’équipe d’animation du foyer de La Fraternité à Plérin. Pour moi, c’est un changement radical de poste, une totale découverte. Jamais je n’aurais imaginé travailler un jour dans un service de restauration... La crise sanitaire que nous traversons me permet de découvrir au sein de l’association une autre facette de nos métiers et de vivre une belle expérience. »

Covid-19 : une cellule d’écoute et de soutien pour les salariés

Face à la crise sanitaire, les établissements et services médico-sociaux sont confrontés à un double impératif : assurer la continuité des soins et de l’accompagnement des personnes, mais aussi préserver les salariés, leurs proches et leurs familles. Cette situation est source de peur et d’angoisse dans un contexte professionnel inédit et bouleversé dans son organisation.

Aussi, les membres d’Handi-Cap 22 ont décidé de mettre en place une cellule d’écoute et de soutien en ligne, accessible à tous les salariés au 06 45 90 32 00, du lundi au vendredi, de 9 h à 12 h et de 13 h 30 à 17 h 30.

Ce service gratuit est assuré par les psychologues des associations Altygo, ADMR, Emeraude ID, Argoued, Athéol, Quatre Vaulx Les Mouettes et Adapei-Nouelles Côtes d’Armor entre autres.

Pour la confidentialité de l’échange, voire l’anonymat pour ceux qui le souhaitent, le salarié est mis en relation avec un psychologue autre que celui ou ceux intervenant dans son secteur d’activité. L’objectif est de lui permettre de gérer au mieux les émotions accumulées pendant cette période de tensions, d’évoquer librement ses doutes et ses inquiétudes.

Les psychologues interviennent dans un cadre préventif et non thérapeutique. Ils ne traitent pas d’éléments liés à des directives sanitaires ou à des problématiques d’équipes liées notamment à la dérégulation de l’organisation.

Covid-19 : un dispositif d’orientation et de soutien à domicile dans les Côtes d’Armor

En complément de la plateforme téléphonique de soutien et d’informations pour les familles initiée par le Secrétariat d’Etat aux personnes handicapées, l’Adapei-Nouelles Côtes d’Armor met en place un dispositif d’orientation et de soutien à domicile avec un numéro unique départemental.

Les personnes isolées ou ne sachant pas à qui s’adresser peuvent composer le 02 96 58 25 87, entre 9 h et 18 h (7 jours sur 7). Ce numéro met directement en lien les personnes avec des acteurs des territoires d’intervention de l’association : Saint-Brieuc, Guingamp, Tréguier, Lannion, Dinan, Lamballe, Loudéac et Callac.

L’objectif de ce dispositif est de rassurer les personnes vivant chez un proche aidant (parents, famille, aidant non professionnel) et de leur apporter les solutions les plus adaptées en fonction de chaque situation. « Il s’agit d’évaluer les conditions du maintien au domicile de la personne chez ses aidants, les difficultés éventuelles pour une prise en charge immédiate ou au long cours au domicile des aidants et le besoin le cas échéant d’un recours à une solution alternative (orientation en internat enfants, en accueil temporaire, en structure d’hébergement adulte), rappelle l’Agence Régionale de Santé (ARS). L’objectif est également d’évaluer la continuité des prestations à prioriser pour éviter les ruptures de parcours et la dégradation de l’état de santé général. »

Numéro unique départemental : tél. 02 96 58 25 87, entre 9 h et 18 h (7 jours sur 7).

Covid-19 : une plateforme téléphonique de soutien et d’informations pour les familles

Dans cette période de confinement nécessaire, les parents ayant un enfant en situation de handicap, plus que tous les autres, sont particulièrement exposés à l’isolement et à l’épuisement physique ou psychologique. Ils ont besoin de soutien et d’informations.

Parmi les initiatives qui se développent sur le territoire, une plateforme nationale est à leur écoute. Cette plateforme placée sous l’égide du Secrétariat d’Etat aux personnes handicapées, cette plateforme ne se substitue pas aux actions et missions assumées par les professionnels médico-sociaux actuellement largement mobilisés pour assurer une continuité d’accompagnement et de soins. Elle se veut un complément des dispositifs existants, en coordination avec les autres réseaux ou chaînes de solidarité qui se mettent en place, et dans le strict respect des règles sanitaires en vigueur.

Les familles pourront ainsi solliciter moments de répit avec l’intervention de professionnels habilités à leur domicile, de l’aide de volontaires pour faire leurs courses de première nécessité, de temps d’écoute ou de conseil éducatif à distance pour surmonter les phases plus difficiles.

Plateforme « Tous mobilisés » : 0805 035 800 (appel gratuit). Du lundi au samedi, de 9 h à 12 h et de 14 h à 17 h.

Covid-19 : les mesures relatives aux personnes en situation de handicap

Dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, le gouvernement a publié de nouvelles consignes et recommandations pour protéger les personnes en situation de handicap les plus fragiles, vivant à domicile et/ou accompagnées en établissements.

Les mesures expliquées dans ce document sont d’application immédiate et nécessitent la mobilisation de tous.

A consulter à la Une du site www.unapei.org

Élections municipales : Je suis citoyen, donc je vote !

L’année 2020 marque une étape importante pour la citoyenneté et l’expression des personnes en situation de handicap. Les 15 et 22 mars, chacun pourra exprimer ses choix lors des élections municipales. Pour s’y préparer, des ateliers de simulation au vote et des actions de sensibilisation ont été organisés avec les établissements et services de l’Adapei-Nouelles Côtes d’Armor.

A Tréguier par exemple, les personnes ont participé à une simulation de vote dans les conditions du réel. Une mise en situation animée par le personnel de mairie a permis à chacun d’apprendre le déroulement des élections selon le rite républicain.

A Dinan, une soirée d’échanges et d’informations s’est déroulée sous forme de saynètes où une personne en fauteuil a reproduit le parcours pour remplir les différentes formalités du vote. « On constate très souvent que les bureaux de vote ne sont pas adaptés, observe Michel Guguen, administrateur de l’association. Les personnes peuvent être accompagnées dans l’isoloir et aussi pour la signature du registre, mais peu le savent ». Il poursuit : « Pour les personnes qui ne peuvent pas signer, elles peuvent demander de l’aide à une personne ayant une carte d’électeur. En revanche, les tuteurs, les curateurs et les personnes employées dans la structure ne peuvent pas signer. »

A Hillion, les résidents de la maison d’accueil Les Sorbiers ont participé à la création d’une affiche en FALC (Facile A Lire et à Comprendre) réalisée sur la base de photos, pictos et logos. Cette affiche décline les différentes étapes du vote, de l’inscription sur les listes au passage dans l’isoloir, sans oublier les documents à fournir et les démarches administratives qui accompagnent le geste citoyen.

UNIOPSS Rennes 2020, un congrès pour s’informer, se mobiliser et inventer

Après le Congrès de Tours qui avait rassemblé en 2018 plus de 1 000 participants, le Congrès de l’Union Nationale Interfédérale des Oeuvres Privées Sanitaires et Sociales (UNIOPSS), organisé les 1er et 2 avril 2020 à Rennes, aura pour fil rouge la promotion des associations comme actrices de l’innovation : l’occasion de déconstruire un certain nombre d’idées reçues et d’explorer le thème de l’innovation de façon large : technologique, organisationnelle mais aussi sociale et citoyenne.

C’est un vrai paradoxe. Alors que les associations jouissent d’une large popularité dans la société française et permettent chaque jour à des milliers de personnes de marcher sur le chemin de l’inclusion, elles ne sont pas spontanément perçues comme des acteurs de l’innovation. Comme d’autres corps intermédiaires, appartiennent-elles à un « vieux monde » aujourd’hui dépassé ? La créativité, l’inventivité, la capacité d’anticipation et d’innovation se situeraient-elles aujourd’hui ailleurs, chez d’autres acteurs, évoluant (ou non) dans la sphère de l’économie sociale et solidaire ? Ne prouvent-elles pas au contraire leur capacité d’adaptation à l’évolution des besoins et des pratiques ? Ne demeurent-elles pas des maillons incontournables, en prise directe avec le terrain et acteurs des politiques publiques ?

Construit avec le réseau des URIOPSS, des adhérents nationaux et le concours spécifique de l’URIOPSS Bretagne, ce Congrès mettra en lumière des réalités parfois ignorées. Son ambition est de valoriser les dynamiques associatives à l’œuvre sur les territoires, pour renouveler le débat public, contribuer à une alternative pour les politiques publiques, ajuster en continu les pratiques et améliorer en profondeur la qualité de vie pour et avec les personnes concernées.

Tables rondes, conférence-débat grand public, ateliers et forums ponctueront ces deux jours de questionnement, d’échanges et de construction collective.

Programme des deux journées à consulter sur www.congres.uniopss.asso.fr