L’agent d’entretien fait la chasse au virus

Depuis le début du confinement, Emmanuel Selbert s’affaire chaque jour à nettoyer et désinfecter les pavillons de la MAS d’Hillion. Des couloirs aux chambres des résidents, son travail est indispensable pour protéger les personnes les plus fragiles face à la menace du Covid-19.

Mardi 5 mai, 50e jour de confinement. Il est 8 heures lorsqu’Emmanuel Selbert prend son poste à la maison d’accueil spécialisé d’Hillion. Vêtu d’une blouse bleue, muni d’un masque de protection et de gants, l’agent d’entretien jette un œil sur sa feuille de route. « Ce matin, je commence par le hall d’accueil, les bureaux, le secrétariat avant d’enchaîner avec les couloirs, puis la salle de sport et l’espace Snoezelen », détaille le salarié de l’Adapei-Nouelles Côtes d’Armor, plus habitué à fréquenter les locaux de l’IME des Clôtures à Saint-Brieuc que les pavillons de l’impressionnante MAS des Sorbiers. « Cela change de mon quotidien. Je suis venu ici en renfort pour soulager les collègues contraints de travailler le week-end. Dès qu’il le faut, je suis prêt à rendre service. »

Un travailleur de l’ombre

Solidaire en cette période de crise sanitaire, Emmanuel Selbert a intégré l’équipe des agents de service qui nettoient et désinfectent la maison d’accueil au jour le jour depuis le début du confinement. Un travail méticuleux où rien n’est laissé au hasard. « En raison de la menace Covid-19, les règles d’hygiène sont très strictes, particulièrement dans une MAS et également dans un foyer de vie pour adultes comme celui de la résidence Park Nevez à Plouisy, près de Guingamp où j’ai travaillé durant trois jours. »

Dans la chasse au virus, chaque détail compte. Poignées de portes, interrupteurs, tables et chaises, tous les points de contact doivent être passés au peigne fin. « Une fois que les résidents ont fini de manger, on nettoie tout le mobilier sans exception. » Idem après une douche. « La salle de bains est désinfectée du sol au plafond. » Pour cela, Emmanuel Selbert utilise un appareil de bionettoyage qui produit de la vapeur à haute température éliminant les microbes en tous genres. « Ce matériel est très efficace pour les salles de bains et aussi pour les sanitaires. On dispose de plusieurs adaptateurs pour atteindre les moindres recoins. »

Quelle que soit la pièce, la vigilance est de mise. Soldat de l’ombre en ces temps de crise, Emmanuel Selbert veille au grain face à l’ennemi invisible. Chaque jour, l’agent d’entretien poursuit sans relâche son travail de sape pour protéger les résidents les plus fragiles d’une éventuelle contamination au Covid-19. « A ce jour, aucun cas n’est à signaler à la MAS. Tant que les mesures sanitaires seront respectées, le virus n’est pas prêt de rentrer dans la maison d’accueil... »

Témoignage. « Des journées de plus en plus longues à la résidence des 7 Îles… »

Confiné à la résidence des 7 Iles à Paimpol, Christian Hervé prend son mal en patience. Entre jardinage, télé et jeux de société, il vaque à ses occupations en attendant de retourner à l’ESAT.

En cette fin du mois d’avril, le soleil si généreux ces derniers jours et tellement bienvenu en période de confinement, a laissé place aux nuages et à la pluie. « Le temps est gris. Il ne faudra pas compter sortir aujourd’hui », soupire Christian Hervé (54 ans), le regard tourné vers le ciel. Le locataire de la résidence HHC (Habitat Handi Citoyen) devra attendre avant de retrouver son petit jardin aménagé en bordure du centre commercial Carrefour. « Pendant le confinement, il faut bien s’occuper. Les journées sont longues, de plus en plus longues. Alors, j’entretiens le potager. Depuis peu, j’ai commencé à aménager une serre pour cultiver des salades, des tomates et préparer mes plants de choux et de courgettes. Cela faisait un moment que j’y pensais. Comme on ne doit pas sortir, j’en ai profité pour lancer ce chantier. »

Ancien ouvrier agricole, Christian fait partie de l’équipe maraîchage bio à l’ESAT de Plourivo. Le jardin, il a toujours aimé ça. « C’est un peu comme une passion. Et dire que je n’ai rien planté cette année à cause de ce virus. Pas de patates, ni oignons, ni échalottes… »

« Le port du masque, il faudra s’y habituer »

En attendant son retour à l’ESAT, Christian suit au jour le jour l’actualité du Covid-19. Il regarde les infos à la télé et fait sa revue de presse quotidienne. « Pascal-Yves, Laurence ainsi que Thibaut, mes moniteurs d’atelier, m’appellent chaque vendredi pour prendre des nouvelles, tout comme mes frères et ma sœur. Tous les jours, j’appelle ma mère qui vit seule dans sa maison à Pommerit-Le-Vicomte. Elle a 86 ans. A cet âge-là, il faut rester prudent un peu comme ici à la résidence où Gwénaëlle (l’intervenante à domicile), nous rappelle qu’il faut respecter les gestes barrières et rester à bonne distance. Quand je fais mes courses au centre Carrefour, je porte un masque pour me protéger. C’est indispensable et il faudra s’y habituer pendant un moment. »

Comme beaucoup d’autres locataires de la résidence, Christian attendait avec impatience l’allocution du Premier ministre mardi pour connaître les principales mesures prises par le gouvernement. « Il parle du 11 mai mais on ne sait pas trop comment ça va se passer pour nous. Ce qui est sûr, c’est qu’il faudra suivre les consignes. Dans les Côtes d’Armor, on a la chance de ne pas être trop touché. On croise les doigts. La fin du confinement, c’est pour bientôt. » Après la pluie, le retour du soleil pointe à l’horizon.

Initiative solidaire. Le lycée Pommerit cuisine pour les résidents de la MAS

Aux premiers jours du confinement, l’histoire commence par un coup de téléphone. Un appel à la solidarité lancé par l’Adapei-Nouelles Côtes d'Armor au lycée Pommerit, près de Tréguier. « Bonjour, la MAS L’Archipel à Paimpol est dans une situation extrêmement fragile au niveau de son équipe de cuisine. En effet, deux titulaires sur trois sont en arrêt de travail… Nous recherchons un partenaire pour assurer la préparation de 120 repas par jour et la livraison en liaison froide. Nous n’avons pas d’autre solution de proximité. Pouvons-nous compter sur votre aide pour continuer de proposer des repas de qualité à nos résidents ? »

Sur les bords du Jaudy, l’appel est bien entendu et la direction du lycée ne tarde pas à donner sa réponse par mail : « Nous avons bien pris la mesure de votre sollicitation et nous acceptons cette mission de service dont la première livraison sera effective dans deux jours. »

Des cuisiniers volontaires

En l’espace de quelques heures et avec le précieux concours de Sodexo, partenaire restauration de l'association et du lycée, la solidarité a fait corps. Une solution a été trouvée en urgence après la fermeture de la cuisine d’entreprise de Nokia Lannion qui, dans un premier temps, était venue au secours de la maison d'accueil spécialisé. « En cette période de crise sanitaire, il nous semblait évident et légitime d’apporter notre aide, indique Marc Janvier, le directeur du lycée Pommerit. Avec la crise du Covid-19, notre établissement a fermé mais nous avons maintenu une activité restauration avec le chef de cuisine seul en poste pour assurer le service auprès du personnel d’astreinte chargé d’entretenir le site et de poursuivre l’activité élevage à la ferme animalière. Pour nous, il était donc possible de mobiliser davantage de collaborateurs pour produire des repas et rendre service à un établissement extérieur. C’est pourquoi, nous avons fait appel à deux autres cuisiniers qui se sont tous portés volontaires. »

Des plats diversifiés et appréciés

En temps normal, les cuisines du lycée Pommerit assurent 1000 repas en moyenne chaque midi et 500 le soir en liaison chaude. Leur savoir-faire dans la restauration collective n’est plus à démontrer. Malgré tout, en venant en aide à la MAS, l’équipe de restauration a dû s’adapter, non seulement aux particularités des menus proposés aux personnes polyhandicapés et autistes, mais aussi à une livraison des plats en liaison froide. « Au lycée, personne ne l’avait encore expérimentée, assure Annie Le Cozic-Roussel, responsable de site Sodexo. On a revu notre façon de travailler. Les repas sont préparés la veille et livrés l’après-midi pour être consommés le lendemain. »

La réception des repas à la MAS L'Archipel à Paimpol (photo : Yann Rouvrais).

Après deux ou trois jours de tâtonnement, l’équipe de restauration a rapidement trouvé son rythme de croisière en répondant aux attentes de la maison d’accueil. « Le plus important était de maintenir le service tout en respectant les régimes de chacun, confie Steeve Robic, cuisinier de la MAS. Au début de ce partenariat, nous avons beaucoup échangé avec la responsable Sodexo du lycée pour concevoir les repas mixés et hachés dont nous avions besoin. Il a fallu prendre ses marques et aujourd’hui, tout se passe au mieux. »

« On a essayé de diversifier les plats et cela a été apprécié, poursuit Annie Le Cozic-Roussel. En cette période si particulière, nous avons également sollicité l’exploitation maraîchère du lycée Saint-Ilan à Langueux qui nous a livrés des produits locaux (épinards, tomates,...), cuisinés et consommés par les résidents. Travailler avec la MAS de Paimpol, établissement que nous ne connaissions pas, est une belle expérience ! »

Cette expérience sera-t-elle prolongée après le 11 mai, au début du déconfinement ? Pour Marc Janvier, « tout est possible » d’autant que la réouverture des lycées n’est pas d’actualité. « Tant que la MAS aura besoin de nous, nous continuerons à assurer un service de restauration ».

Témoignage d’une infirmière : « Je ne pouvais pas rester à me morfondre dans mon canapé… »

Katia Landuren, infirmière à l’IME de Loudéac, est partie prêter main forte aux soignants de l’Ehpad de Penvénan, un établissement durement touché par le Covid-19. Elle témoigne de son engagement et de son quotidien auprès des résidents.

Elle n’a pas réfléchi longtemps. Dès la fermeture de l’IME de Loudéac où elle travaille depuis deux ans, Katia Landuren s’est portée volontaire pour faire partie de la réserve sanitaire, ce contingent de professionnels de santé susceptibles d’intervenir à tout moment dans les établissements en souffrance. « Je ne pouvais pas rester à me morfondre dans mon canapé, à regarder les infos à la télévision, alors qu’il y a tant de besoins... »

« C’est notre métier ! »

Pour l’infirmière de 55 ans, en activité depuis 1984, proposer son aide en ces temps de crise sanitaire sonnait comme une évidence. « Le Covid-19 est présent sur le territoire et j’avais vraiment envie de me rendre utile, d’être présente là où on manque de bras. » Alors, quand Isabelle Gozdowski, la DRH de l’Adapei-Nouelles Côtes d’Armor (1), l’a sollicitée pour prêter main forte aux soignants de l’Ehpad de Penvénan, elle a tout de suite accepté.

Cap sur le Trégor et la résidence Le Verger des Korrigans, nouveau foyer de contagion déclaré avec 27 résidents et 7 salariés testés positifs au coronavirus. « Vu la situation, on pourrait avoir peur mais on n’y pense pas. C’est notre métier ! On est très bien protégé avec un matériel très sophistiqué que l’on porte toute la journée : pyjama, combinaison, charlotte, masque et visière. On se protège mais il faut aussi protéger les résidents. Dans un Ehpad, les besoins sont énormes. J’aide à la distribution de médicaments, à la perfusion parfois à la mise sous oxygène, au suivi de l’intervention des médecins. Nous sommes dans un lieu de vie avec des personnes relativement autonomes à qui il faut rappeler les mesures de protection. Confiner ces personnes dans leur chambre, c’est souvent compliqué. »

La résidence Le Verger des Korrigans à Penvénan. DR

En ces temps de crise, Katia Landuren a le sentiment de vivre une expérience unique et aussi une belle aventure humaine. « On se rend compte d’une grande solidarité entre les soignants. Avec l’arrivée du Covid, il y a un surcroît de travail impressionnant mais on se serre les coudes. Nous sommes cinq à venir de la réserve sanitaire : un infirmier du travail du groupe énergétique Engie, une directrice d’Ehpad, un étudiant en médecine, une aide-soignante de l’hôpital de Tréguier et moi-même. Compte tenu de mes horaires de travail (de 7 h à 15 h) et de l’éloignement de mon domicile, j’ai préféré rester dormir sur place, surtout pour ne pas contaminer ma famille. »

Après cinq premiers jours intenses à l’Ehpad de Penvénan, Katia Landuren a resigné pour une seconde semaine avec toujours le même engagement : venir en aide aux équipes d’infirmières et les soulager dans leur travail sur la ligne de front, là où elle se sent le plus utile.

  • (1) au total, six salariés de l’Adapei-Nouelles Côtes d’Armor sont venus en renfort dans trois Ehpad du département.

« La solidarité en action sur le territoire »

« Madame Landuren est arrivée au moment du pic de l’épidémie dans notre établissement. Son aide a été précieuse à plusieurs niveaux. Elle a soulagé le travail des infirmières et elle nous a aidés à prendre du recul sur la situation. Sa présence a concrétisé la solidarité en action sur le territoire, avec le sentiment que nous n’étions pas seuls pour affronter cette période de crise. Nous la remercions chaleureusement. »

Michaël Meunier, directeur de l’Ehpad de Penvénan.

Le SATRA de Pabu transformé en unité de production de gel hydroalcoolique

Dans l’ancien corps de ferme, à deux pas du Pro Park d’En Avant Guingamp actuellement désert, l’activité bat son plein. Sur les tables de la grande pièce principale, des bidons de solution hydroalcoolique et des flacons par dizaines, que trois préparateurs s’affairent à remplir (notre photo).

Depuis le 27 mars, la société DeFY a investi les locaux du SATRA (1) de Pabu appartenant à l’Adapei-Nouelles Côtes d’Armor pour y installer une unité de production de gel hydroalcoolique et répondre ainsi à la pénurie en pleine crise sanitaire. « Face à l’urgence, l’État nous a réquisitionné », explique Romain Derrien, cogérant de cette toute jeune entreprise spécialisée dans les cosmétiques, lequel a dû actionner son réseau pour démarrer son activité. « En réalité, nous étions installés à l’Université Catholique de l’Ouest (UCO) de Guingamp. En raison de l’épidémie, le site a fermé et nous avons été contraints de quitter les lieux pour des raisons sanitaires et de sécurité... »

Jusqu’à 500 litres par jour

Du jour au lendemain, les dirigeants de DeFY ont été privés de locaux à l’heure où les commandes affluaient. « Heureusement, Olivier Jagorel, patron du laboratoire d’analyses vétérinaires Trégobio à Guingamp, nous a mis en relation avec Morgan Donval, directeur développement production esatco et Violaine Roset, directrice du site. Tous deux se sont montrés très réactifs en nous proposant cet ancien corps de ferme inoccupé en raison de l’épidémie. Cette belle opportunité nous a sauvés et on a pu lancer la fabrication du gel antibactérien devenu un produit de première nécessité pour la santé publique. »

Avec désormais quatre salariés à temps plein, la société DeFY produit jusqu’à 500 litres de gel par jour et livre prioritairement le corps médical, le personnel soignant des Ehpad et quelque 120 pharmacies en France (2). « Nous recevons encore beaucoup de demandes, notamment des dentistes et des orthodontistes qui se préparent à rouvrir leurs cabinets, de même que des entreprises des Côtes d’Armor qui cherchent à s’approvisionner au niveau local. »

En période de crise, la société DeFY reste pleinement mobilisée et envisage même de prolonger l’activité. « Nous avons l’autorisation gouvernementale de produire du gel jusqu’au 31 mai. Face à une demande exponentielle, nous souhaitons poursuivre la production jusqu’en 2024, tout en menant de front la sortie d’une marque de cosmétique en septembre prochain. » Le début d’une nouvelle aventure entamée au SATRA de Pabu.

  • (1) Service d’Accueil et de Travail Adapté (SATRA)
  • (2) il est possible de commander du gel hydroalcoolique auprès de la société DeFY (tél. 06 87 88 49 83).

Dans les maisons d’accueil, un blog pour maintenir le lien avec les familles

Depuis le début du confinement, les visites sont interdites dans les maisons d’accueil. Pour les parents, ne plus voir leur fils ou leur fille, à l’établissement ou à la maison le week-end, est une situation difficile à vivre. « La séparation est dure, confie Marie-Claude Taton, la maman de Mathieu, résident de la MAS L’Archipel à Paimpol. Mon fils me manque. Nous n’avons jamais été séparés aussi longtemps. Et dire qu’il va falloir encore patienter jusqu’au 11 mai, sinon plus… »

Pour pallier à cette situation, les maisons d’accueil de l’Adapei-Nouelles Côtes d’Armor ont créé un blog temporaire qui dévoile les activités des résidents au jour le jour, à travers des photos et des vidéos mises en ligne par le personnel encadrant : atelier bricolage, jardinage, café lecture, parcours sportif, menus culinaires, jeux et danse. « A chaque fois qu’un message est posté sur le blog, on reçoit un mail d’alerte, explique la maman de Mathieu. Il suffit de se connecter au site dédié sur internet, de valider son mot de passe et on accède facilement au blog. Voir son fils et les autres résidents en photo, ça fait plaisir, ça nous rassure de savoir qu’ils sont entre de bonnes mains. Ce blog est une belle initiative ! J’admire l’organisation mise en place par l’association pour protéger les résidents polyhandicapés ou autistes qui sont par définition, des personnes très vulnérables. »

Jean-Marc sur la pelouse de la MAS Les Sorbiers à Hillion. Une photo parmi d'autres postées sur le blog des maisons d'accueil de l'Adapei-Nouelles Côtes d'Armor. Droits réservés

Comme le rappelle François Goupil, directeur des MAS du bassin briochin, « le blog se veut interactif, vivant d’échanges », et chaque parent peut poster un message quand il le souhaite. Certaines familles en ont déjà profité pour adresser un mot de soutien et de remerciements aux équipes. « Le personnel fait un travail remarquable et prend toutes les précautions d’usage pour protéger nos enfants et éviter de les contaminer, assure Marie Bélal, maman d’Alain, accueilli à la MAS de Paimpol. En tant que parents, on se pose beaucoup de questions en ce moment. Le blog est donc le bienvenu. Au même titre que Skype ou WhatsApp, c’est un outil de communication indispensable. » Une bouffée d’oxygène pour les familles, un lien très précieux pour garder le contact avec leurs proches.

Patrick Barbier : « La crise sanitaire, catalyseur de solidarité et de coopérations »

Face à la gestion de la crise sanitaire liée à la propagation du Covid-19, les associations du secteur médico-social doivent se coordonner pour maintenir la continuité de l’activité. Patrick Barbier, directeur général du Groupement APAJH 22-29-35 (1), témoigne d’un bel exemple de coopération entre son organisation et l’Adapei-Nouelles au sein du réseau Handi-Cap 22.

En cette période de crise sans précédent, la solidarité prend tout son sens. Comment l’interprétez-vous, plus particulièrement dans notre secteur d’activité ?

Les associations mettent actuellement tout en œuvre pour maintenir l’activité et poursuivre leur mission d’accompagnement afin de répondre aux besoins de chacun et plus largement aux besoins des autres. En ces temps de crise sanitaire, la notion de solidarité entre les acteurs est très forte. Elle s’inscrit sur un territoire en termes de complémentarité.

C’est-à-dire ?

Au lieu d’agir seul, on trouve désormais des solutions ensemble. Il y a des expertises et des compétences réciproques que l’on peut mettre en commun. Cette crise permet aux salariés de chaque association de découvrir des horizons nouveaux. C’est un enrichissement mutuel. La question de l’interconnaissance et des échanges de bonnes pratiques va trouver plus de légitimité et plus de facilité. Aujourd'hui, on assiste à des décloisonnements par le biais des pratiques professionnelles qui devraient perdurer. Cette crise catalyse des synergies inter-associatives.

Concrètement, comment cela se traduit-il sur le terrain ?

Dès le début de la période de confinement, trois salariés de l’Adapei-Nouelles Côtes d’Armor sont venus renforcer l’effectif de la blanchisserie à l’ESAT Les Ateliers de la Baie à Hillion, près de Saint-Brieuc. Une secrétaire et deux éducateurs ont remplacé les personnes les plus fragiles confinées à leur domicile. Ce renfort est intervenu à un moment important car l’APAJH faisait face à une demande substantielle des Ehpad en difficulté sur le lavage de vêtements. Dans ce contexte si particulier, l’appui de l’Adapei-Nouelles et de ses trois professionnels a permis à l’ESAT de continuer à fonctionner et de maintenir une activité avec toute la sécurité nécessaire.

Et inversement, des salariés de votre association sont-ils appelés en renfort dans les établissements de l’Adapei-Nouelles  ?

Ce n’est pas encore le cas aujourd’hui, mais en fonction des besoins dans les établissements et services de l’Adapei-Nouelles, nous serons en mesure d’y répondre favorablement.

Un mot enfin sur Handi-Cap 22. Ce collectif qui regroupe la quasi-totalité des associations du médico-social et du sanitaire se mobilise lui aussi en ces temps de crise…

C’est dans les moments les plus difficiles à l’image de cette crise que l’innovation, déjà bien présente dans les Côtes d’Armor, connaît des aspects nouveaux. La mise en place d’un numéro unique départemental en est la parfaite illustration (2). Ce dispositif d’orientation et de soutien a vu le jour avec l’appui du groupement d’associations Handi-Cap 22 et la Maison départementale du handicap. Il s’adresse aux personnes vivant seules à domicile ou ne sachant pas à qui s’adresser. Comme les autres associations du collectif, le groupement APAJH assure des astreintes pour répondre aux demandes.

  • (1) Le Groupement APAJH 22-29-35 emploie 300 professionnels qui accompagnent 600 personnes en situation de handicap au sein de 15 établissements et services.
  • (2) Numéro unique départemental : 02 96 58 25 87. Ligne téléphonique ouverte en permanence entre 9 h et 18 h (7 jours sur 7).

Luc Gateau : « Réduire les risques, protéger et accompagner »

Alors que l’épidémie du Coronavirus gagne du terrain tous les jours, les enjeux défendus par les membres du Mouvement Unapei sont en manque de soutien et de reconnaissance. Ils sont multiples : accompagner les personnes, soutenir les familles, sécuriser les interventions des professionnels et dénoncer les scandales en cours. Rencontre avec Luc Gateau, Président de l’Unapei.

Luc Gateau, quelles est votre principale préoccupation actuelle ? 

Le Mouvement Unapei, en ce moment, agit sans relâche pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap intellectuel, cognitif ou de polyhandicap, afin de garantir la continuité de leurs accompagnements et de leurs soins, et de prendre toutes les mesures pour empêcher l’épidémie de se propager.

Quelle est la situation pour les professionnels du médico-social en France ?

La situation est actuellement très difficile. Notre système médico-social est sous pression. Les professionnels sont pleinement mobilisés, sans reconnaissance et avec insuffisamment de matériel. Ils agissent auprès des familles et de leurs proches en situation de handicap, à domicile ou dans les établissements gérés par nos associations, dans des conditions inacceptables.

Quelles actions prioritaires engagez-vous ?

Notre priorité immédiate est que, dans cette crise, qui nous a vu nous réorganiser dans l’urgence, les personnes en situation de handicap bénéficient de soins et d’accompagnements sans discontinuité. Pour ce faire, les professionnels et les bénévoles doivent pouvoir intervenir avec le moins de risques possibles, pour les personnes et pour eux. Aujourd’hui, ils manquent de tout. Ils ont besoin de matériel de protection. Mais ils ne sont pas considérés comme prioritaires alors qu’ils s’occupent de personnes vulnérables, qui ont besoin d’eux. Ils agissent, pour leur permettre de continuer à vivre le mieux possible, en confinement, et freiner la propagation du virus. Leur non-reconnaissance est inquiétante.

Cette crise a des conséquences sociales et économiques importantes qui percutent les vies des personnes en situation de handicap et celles de leurs familles. Les personnes ont les plus grandes difficultés à avoir accès aux accompagnements et aux soins, et les majeurs protégés aux biens fondamentaux. Les familles sont isolées et s’épuisent. Sans compter les familles monoparentales qui se fragilisent davantage économiquement. Nous voyons également poindre des dérives barbares, insidieuses et insupportables, qui laissent à penser que les personnes en situation de handicap ne méritent pas d’être soignées ou sauvées.

Alors, que faut-il faire ?

Nous avons alerté dès la semaine dernière les pouvoirs publics et les médias. La société ne peut abandonner ainsi les personnes en situation de handicap et leurs familles. C’est absolument scandaleux. Nous manquons cruellement de masques, de lunettes, de sur blouses, de gants, de gel hydroalcoolique, sans parler des tests et des autres équipements importants comme les concentrateurs d’oxygène.

Nous avons décidé de ne pas uniquement compter sur les dotations de l’État, qui tardent et sont insuffisantes et trouver des solutions, en sollicitant des centres d’approvisionnement, y compris à l’étranger. Nous savons que ce problème de manque de matériel ne s’arrêtera pas demain. Nous avons d’ailleurs lancé, la semaine dernière, un appel aux dons pour pouvoir financer des actions très concrètes sur les territoires et acheter du matériel.

L’initiative solidaire. Des masques en tissu faits maison

Depuis le début de la pandémie du coronavirus, les initiatives solidaires se multiplient à l’Adapei-Nouelles Côtes d’Armor. Face à la pénurie, des salariés, des parents, des proches et amis se mobilisent pour confectionner des masques de protection, en particulier à Loudéac où un appel lancé sur les réseaux sociaux via Facebook a suscité un formidable élan de solidarité. « Notre association est connue et reconnue, assure Gérard Salomé, le président de la section locale. Le réseau de parents est dense et de nombreuses personnes ont spontanément répondu à cet appel. »

C’est le cas de Colette Brille, membre d’un atelier couture au club de l’amitié à Saint-Aignan et sollicitée par la direction du pôle adultes de Loudéac pour fournir des masques aux personnes accompagnées vivant dans les foyers. « La couture est une passion. Comme on est tous confinés à la maison, autant se rendre utile. »

Une mesure barrière supplémentaire

En suivant le tutoriel en ligne de l’AFNOR (association française de normalisation), organisme associatif rattaché au ministère de l’Industrie, la couturière a mis en pratique son savoir-faire, utilisé des draps et des tee-shirts dont elle a exploité le jersey, tissu en maille extensible, souple et non irritant au contact de la peau. « C’est beaucoup mieux que les élastiques, indique Colette Brille qui a fabriqué 60 masques de couleur dans le même week-end. Il faut compter deux bandes de 40 centimètres par masque, ce qui représente beaucoup de mètres au total (40 mètres pour 50 masques !) »

Ancien médecin anesthésiste au Centre hospitalier de Pontivy, Pierre, le mari de Colette, prévient que ce ne sont pas des masques aussi efficaces que ceux utilisés en médecine. « Ce sont des masques préventifs destinés aux personnes que nous accompagnons dans les établissements de l’Adapei-Nouelles Côtes d’Armor. En cette période de pandémie, ils sont une mesure barrière supplémentaire. »

Téléchargez le modèle de masque barrière sur www.afnor.org

A Saint-Brieuc, la collecte de vêtements provisoirement suspendue

Artex, l’atelier de revalorisation du textile est fermé jusqu’au 4 mai 2020 par mesure de protection des salariés en insertion qui sont tous en chômage partiel. Aucune collecte de textiles, ni de ramassage et vidage des conteneurs n’est actuellement assurée.

Il est donc recommandé aux habitants de l’agglomération de Saint-Brieuc et du territoire de Launay Lantic de conserver leurs vêtements et de ne pas les déposer dans les conteneurs près de leur domicile. « Nous demandons aux particuliers, quelle que soit leur situation de confinement, de respecter cette fermeture car les dépôts de sacs de textile restent sur le trottoir et encombrent la place publique, insiste Jacqueline Evo, la directrice-adjointe d’Artex à esatco Saint-Brieuc. Ces textiles ne pourront pas être réutiliser, cela est dommage pour le réemploi des vêtements et leur recyclage. »