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François Jouen et Charles Tijus: « Les technologies cognitives sont là pour nous assister ! »

Le Vendredi 25 Mars 2022 à 20:46       |       Partager    

Spécialistes des technologies cognitives, entre autres au Laboratoire des Usages en Technologies d'Information Numériques (LUTIN) à la Cité des Sciences et de l’Industrie, membres du Laboratoire Cognitions Humaine et Artificielle (CHArt), François Jouen et Charles Tijus participeront au colloque autisme de Saint-Brieuc, les 29 et 30 mars, à Saint-Brieuc (Côtes d'Armor). François Jouen interviendra sur « Sommes-nous prêts pour des robots qui prennent soin de nous ?» et Charles Tijus sur « « les technologies cognitives de demain : prendre soin en assistant ». Ils expliquent ce que sont les technologies cognitives.

François Jouen, vous étudiez entre autres le rôle de la variabilité et de la redondance sur la sélection des structures et des fonctions du système nerveux central. Vous avez développé par ailleurs des technologies cognitives, en étant un des premiers concepteurs d’un dispositif de recueil et d’analyse des mouvements oculaires. Vous avez aussi mis au point un dispositif pour l’analyse de la motricité spontanée qui permet de mesurer les risques d’apparition de troubles neuro-développementaux.

Charles Tijus, vous êtes un spécialiste des processus de résolution de problèmes, de compréhension et d’apprentissage. Pour vos travaux, vous avez obtenu en 2014 les Academy Awards d’IBM sur l’évaluation des technologies cognitives.

Une première question pour vous deux : Qu’est-ce qu’une technologie cognitive ?

François Jouen : Lorsqu’on regarde un objet fabriqué par l’homme, - par exemple une voiture ou un clavier d’ordinateur - , si on sait à quoi sert cet objet, - sa fonction -, alors on apprend beaucoup des utilisateurs auxquels cet objet est destiné. Les sièges du véhicule vont correspondre à une taille humaine, le volant aux bras de la personne. S’agissant d’un clavier d’ordinateur, la taille des touches va correspondre à la taille des doigts de la main qui appuieront sur ces touches. Le fabriquant de cet objet a une connaissance des utilisateurs de son objet.

Charles Tijus : Le fabriquant crée pour les utilisateurs mais il arrive souvent qu’il se trompe en créant des objets qui ne sont pas adaptés et c’est le rôle de l’ergonome d’intervenir, de recueillir l’expérience utilisateur et de faire en sorte que les objets soient utiles, acceptés par les utilisateurs, mais aussi qu’ils soient accessibles, qu’on puisse apprendre à les utiliser et finalement qu’ils soient utilisables.

F.J. : En fait, lorsqu’un concepteur se trompe, c’est parce que sa représentation de l’utilisateur est incorrecte : la description interne, mentale, qu’il a de l’utilisateur est incorrecte. Là, nous sommes en train de parler d’objets physiques : une voiture, un clavier d’ordinateur, sur lesquels on agit physiquement pour obtenir un résultat. Les technologies cognitives concernent la cognition : les connaissances, la pensée, le raisonnement, la prise de décision… nos activités cérébrales.

Charles Tijus est directeur du Laboratoire des Usages en Technologies d’Information Numériques (LUTIN) à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris.

C.T. : Oui, ce sont des technologies qui concernent nos activités mentales, qui sont plus importantes que nos activités physiques car ce sont nos propres activités mentales qui guident nos activités physiques. Les technologies cognitives concernent nos connaissances, nos raisonnements, nos prises de décision. Il s’agit de toutes ces technologies numériques, de plus en plus nombreuses, qui sont basées sur l’intelligence artificielle et sur des bases de données personnelles, publiques et disponibles, dont l’open data.

F.J. : Exactement ! Avec mon smartphone, je peux être réveillé selon mon agenda. Mon smartphone me rappelle de téléphoner à mes parents ; ce que je peux faire sans connaître leur numéro de téléphone et je peux savoir quand précisément je dois partir de chez moi pour arriver à l’heure à mon rendez-vous.

C.T. : Avec ces technologies cognitives et l’internet des objets, on obtient la robotique autonome. Un robot qui peut se conduire tout seul… Avec des « raisonnements »  d’intelligence artificielle qui guident les activités physiques, et qui peuvent provenir du purement logique ou être de nature bio-inspirée en imitant le raisonnement humain.

A quoi peuvent servir ces technologies cognitives ?

C.T. : Avec des capteurs d’information environnante visuelle, sonore, vibratoire et avec des effecteurs pour agir, et une cognition artificielle pour raisonner et prendre des décisions, les objets connectés entre eux, en réseau, sont une véritable révolution : les objets deviennent autonomes. De la voiture autonome à la maison intelligente, en passant par le vêtement qu’on porte, le smartphone, et la montre connectée, tous ces objets deviennent des Smart Things : des objets Smart qui peuvent nous assister. Il faut les voir comme des robots : la voiture-robot, la maison-robot, le vêtement-robot… Bientôt, des robots qui pourront interagir et agir de concert.

François JOUEN est directeur du développement technologique de la FED 4246 au Laboratoire des Usages en Technologies d’Information Numériques (LUTIN).

En quoi ces technologies cognitives pourraient-elles nous assister ?

C.T. : Comme l’a dit François, vous pourriez oublier d’appeler vos parents et, si vous avez le choix entre prendre votre voiture, prendre le train, ou prendre un bus, vous pouvez instantanément savoir dans combien de temps passe le bus, à quelle heure vous arriverez à destination, voire même la quantité de CO2 associée à chacune de ces trois décisions.

Elles peuvent donc servir l'autonomie des personnes ?

F.J. : Tout à fait, il s’agit d’objets connectés autonomes qui peuvent s’informer entre eux et nous informer pour éclairer nos décisions… C’est probablement leur principale fonction. Imaginer une personne qui pourrait se perdre dans le parc de son institution, elle pourrait être accompagnée dans le parc dès qu’elle le désire par son robot personnel qui saurait la conduire et la ramener à temps pour le déjeuner par exemple. Au LUTIN, nous avons développé, avec Geoffrey Tissier, un fauteuil roulant qui se commande par le regard. Ce fauteuil pourra être aussi, en plus, un robot dans lequel on s’assied.

C.T. : Très important, au regard de l’autonomie, surtout au regard des troubles du neuro-développement (TND), le concepteur-fabriquant d’une technologie cognitive pourrait là aussi se tromper et développer une technologie cognitive inadaptée. Et il y a deux types de technologies inadaptées au TND. Le premier type est une technologie qui n’assiste pas parce qu’il y a une méconnaissance du trouble et un manque de personnalisation. L’assistant numérique ou robotique doit avoir une bonne représentation interne de la personne assistée, pour pouvoir comprendre ses besoins, ses comportements. Il y a la notion de « jumeau numérique » : donner à la technologie cognitive une description aussi fidèle que possible de la personne qui doit être assistée et surtout la possibilité d’apprendre en assistant. Le second type de technologie cognitive inadaptée est celle qui fait tout à la place de la personne. Il ne s’agit alors plus d’assistance mais de prise en charge. L’assistant pertinent doit laisser faire la personne lorsque celle-ci sait faire et, lorsqu’elle ne sait pas faire, lui permettre d’apprendre à faire, en ayant pour cela un effort raisonnable.

Vous travaillez aussi sur l'avenir des technologies. Quelles sont les innovations majeures auxquelles s'attendre dans les années qui viennent ?

F.J. : Il faut s’attendre à deux grandes révolutions : du côté des capteurs et du traitement du signal recueilli par les capteurs et du coté des effecteurs, de l’utilisation des informations recueillies. Du côté des capteurs, si vous observer un chat dans un appartement, il sait tout ce qui se passe à partir du traitement des informations sonores. Vous avez le développement d’applications pour traiter le son, « l’oreille augmentée » qui permet de localiser les sons et de les interpréter (une chute, une crise…), d’applications liées au textile connecté pour des T-shirts détecteurs de crise (signes vitaux, épilepsie) … Du côté des effecteurs, il s’agit du quoi faire avec ces informations ? Il y a justement la possibilité d’informer au plus tôt, probablement la personne elle-même si celle-ci peut agir sur elle-même pour atténuer ce qui ne va pas, mais surtout le personnel soignant, les personnes aidantes, la famille…

C.T. : Sans compter l’intervention des autres objets connectés, également informés. Si un robot peluche aide à calmer une crise, il pourrait se manifester auprès de la personne concernée ; ici encore de manière parcimonieuse, éthique, responsable et supervisée…

 

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